Intervention de Françoise Kobylarz (ADHER) lors du webinaire consacré à l’énergie le 23 mars 2022, pour FNE Normandie.
La sobriété est toujours associée au bonheur et à la sagesse. Elle vise à réduire notre consommation d’énergie par un changement en profondeur de nos comportements et de nos modes de vie. C’est une démarche collective qui remet en cause les habitudes de consommation qui structurent nos sociétés industrielles. En s’affranchissant de désirs superflus, nous limitons notre pression sur l’atmosphère et le vivant. C’est un sujet depuis les années 1970, mais qui reste un angle mort des politiques de l’énergie. Il est rappelé très souvent que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Pourtant, c’est illogique. SI l’on ne questionne pas nos besoins, on ne peut réfléchir sur la sobriété. Quelle est notre production énergétique si nous réindustrialisons notre pays mais que nous diminuons nos exportations ?
La guerre en Ukraine nous rappelle que nous nous devons d’acquérir notre indépendance au niveau des matières fossiles ou fissiles.
La notion de sobriété rencontre plusieurs freins. Elle est clivante, et a été pensé comme telle. Elle peut être considérée soit comme incontournable, soit comme indésirable. C’est un regard caricatural, et c’est très loin des travaux de scénaristes qui étudient les pratiques et les changements possibles. La France étant le pays le plus nucléarisé au monde, le chauffage électrique a poussé à la surconsommation, tout comme la construction des EPR.
A propos des inégalités sociales, la sobriété rencontre un mur. Nous sommes conscients qu’il existe en France 3.8 millions de personnes en précarité énergétique. Comme association militante, nous ne nous adressons pas à elle, mais à tous ceux qui auraient des modes de consommation énergétique irraisonnés. Nous devons nous dire que l’énergie est une ressource vitale qui en va de l’équité sociale. Pour parvenir à la sobriété, nous distinguons plusieurs leviers d’actions, avec des économies sur un plan structurel, d’usage et de convivialité.
Un élément important est le mépris des décideurs. Dans la stratégie bas-carbone française, il n’existe aucun objectif concret sur la sobriété énergétique en France. Cette notion gêne, car ce serait la ruine du modèle énergétique actuel. On observe aussi des tensions récurrentes entre le ministère de l’écologie et les acteurs économiques, et le fait que les régions n’ont pas obligation de chiffrer leur potentiel d’économie d’énergie et la neutralité carbone en 2050.
Sobriété individuelle : C’est une question métaphysique, car c’est un horizon à 30/50 ans. Il faut faire un débat de société pour la mettre en place. Par exemple, appliquer la séquence « Éviter, Réduire, compenser ». On ne peut pas se reposer sur la neutralité de chacun. On aura la tentation de transiger avec nos propres règles. Ces décisions dépendent des pouvoirs publics et non des individus. On peut nommer le domaine numérique très énergivore. Il y a donc besoin d’un débat de société, de pédagogie, de commission nationale du débat public, et de transparence.
La sobriété n’est pas assimilable au chômage et au manque d’activités. Au contraire, elle peut être créative d’emplois qui ont du sens, et nécessitant une main d’œuvre plus nombreuse. Yves Marignac[1] propose une définition « Croissance pour ce qui est utile, et la décroissance pour ce qui ne l’est pas ». Elle ne doit pas être confondue également avec l’efficacité énergétique. Une technologie utile mais trop utilisée fait le contraire des économies d’énergies (ex : les LED en éclairage nocturne). L’efficacité énergétique est définie. Le problème est que ça risque de provoquer l’effet rebond. Si les moteurs consomment moins, cela ne sert à rien d’en acheter plus. On finit par consommer la même chose. Les délais sont trop longs. Les études scientifiques sont longues, alors que la crise climatique s’accentue.
Pour arriver à la sobriété énergétique, il existe plusieurs scénarii :
Négawatt : Depuis 2003, il en produit un tous les 5 ans. C’est réactualiser en fonction de la demande et de l’offre. Il étudie les impacts sur le territoire, l’emploi et l’environnement. Ont été intégrées les matières premières et la civilisation. Ils font le choix du 100% ENR. C’est une approche systémique et pas seulement électrique.
ADEME : L’ADEME présente 4 thèmes d’importance :
- La sobriété frugale
- Les coopérations territoriales
- Les technologies vertes
- Le Pari technologique
Il a été présenté par des données techniques avec les productions et les moyens. Il y a un certain nombre de convergences vers ces différents scénarios. Ils demandent une définition de la consommation globale.
Ces rapports demandent plusieurs objectifs communs :
- Réduction de la consommation globale d’énergie
- Forte augmentation de l’électricité
- Forte croissance des énergies renouvelables
- Sobriété nécessaire
- Réindustrialisation passant par l’électricité. Ils soulignent les rapports lourds et risqués et en particulier pour le nucléaire.
Ils prennent en compte le changement climatique, demandent d’éviter l’artificialisation des sols et beaucoup d’associations ont soutenu ces travaux (enercoop et UFC Que choisir).
L’actualité donne une urgence supplémentaire à ces préconisations. Il est urgent pour nos approvisionnements de ne plus dépendre de pays instables ou totalitaires.
Nucléaire civil : Il peut devenir une cible atomique dans un pays aussi nucléarisé. Comme dans le domaine alimentaire, il nous faut revoir vite nos priorités. Peut-on contenir un monde concurrentiel reposant sur l’épuisement des ressources, ce que nous pensons être une force devient une faiblesse.
Il nous faut trouver un autre chemin plus vertueux .
Françoise Kobylarz (ADHER), administratrice de FNE Normandie
[1] De l’association Négawatt