La biodiversité est en forte régression sur l’ensemble de la planète, les spécialistes parlent de 6ème extinction des espèces. Il a été démontré très clairement que cette régression était particulièrement marquée en zone agricole (voir entre autres le suivi du protocole STOC du MNHN en France et la sortie récente de l’EsCo INRAE-IFREMER) d’une part en lien avec l’évolution de la structure des paysages (disparition de plus d’un million de kms de haies, retournements de prairies permanentes au profit de grandes parcelles en monoculture) et d’autre part avec l’utilisation généralisée des pesticides toujours en augmentation sur notre territoire (cf. augmentation du NODU entre 2009 et 2019 de plus de 2 millions de doses et IFT moyen supérieur à 4).
L’Europe a engagé une démarche Natura 2000 identifiant les sites porteurs d’une biodiversité particulièrement importante. Ces sites, considérés officiellement comme protégés, font l’objet de propositions de gestions particulières adossées à un diagnostic à la base du document d’objectifs local. La gestion est confiée à un animateur en charge de mobiliser les acteurs locaux pour les sensibiliser aux enjeux identifiés, leur proposer, une évolution de leurs pratiques et les accompagner avec les financements dédiés (MAEC, aides spécifiques de l’AE, des collectivités, etc.) mais les propositions faites ne sont que des suggestions et n’ont aucun caractère contraignant.
L’article L.414-1 du Code de l’environnement dispose :
« V.-Les sites Natura 2000 font l’objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. »
À l’occasion des 30 ans de la directive « Habitats faune flore », afin de répondre aux enjeux de la biodiversité et en cohérence avec l’affichage d’une nouvelle SNB, de nouvelles pratiques sont à mettre en place pour répondre aux ambitions affichées afin de réellement protéger et restaurer la biodiversité dans les sites Natura 2000. En particulier, actuellement aucune restriction d’usage contraignante des pesticides n’est prévue dans les sites Natura 2000, ce qui a été relevé par la décision du Conseil d’État du 15 novembre dernier :
« Dans sa décision du 15 novembre 2021, le Conseil d’État a jugé que les dispositions réglementaires en vigueur ne permettaient pas de garantir que l’utilisation des pesticides soit restreinte ou interdite conformément à l’article 12 de la directive 2009/128/CE du Parlement
européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Il a ainsi enjoint au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour les sites terrestres NATURA 2000. »
Que propose l’État en réponse ?
Rien par lui-même, il renvoie aux instances local la prise de décision au cas par cas, site par site (1756 sites au niveau national, 94 sites en Normandie !) sous la responsabilité du préfet départemental qui pourra intervenir « le cas échéant » ou « au besoin » « en l’absence de mesures prises sur une base volontaire ». On ne peut pas faire plus flou ni moins interventionniste ! L’État n’a pas le courage de cadrer de façon homogène sur le territoire national les décisions à prendre, pas même de définir une base minimale voire des objectifs sur le sujet de l’usage des pesticides en zones Natura 2000.
Comment imaginer que localement les animateurs des sites Natura 2000 chargés d’animer et de coordonner les actions de préservation, de gestion et de valorisation du patrimoine naturel définies dans les DOCOB puissent obtenir des mesures contraignantes d’usage ou d’interdiction des pesticides face aux pressions des acteurs agricoles ? D’autant que ce qui n’est plus obligatoire ne peut plus faire l’objet de financements ? Comment articuler alors avec les MAEC très utilisées en Natura 2000 ?
Il a été démontré que la pratique de l’agriculture biologique est la voie la plus efficace pour la
préservation de la biodiversité, et que même, une agriculture moins chimique, plus
agronomique protégeait et restaurait davantage. Pourquoi ne pas indiquer au moins, des
objectifs progressifs et chiffrés de surfaces cultivées en agriculture biologique ? De surfaces à moins d’intrants ? Cet indicateur serait simple à mettre en place et à suivre. Il est certain que la disparition des aides au maintien en agriculture biologique dans la future PAC et la diminution du budget global sur les MAEC ne vont pas du tout dans ce sens.
Ces positionnements de l’État démontrent clairement que la biodiversité ne pèse pas lourd dans la balance par rapport à l’agriculture productiviste quels qu’en soient les moyens et les conséquences.