Stérilisation des œufs de Goélands argentés : la justice suspend l’exécution des arrêtés

Protégés par la règlementation, les goélands ont perdu un tiers de leurs effectifs en 25 ans. Pourtant, depuis plusieurs années, les communes littorales normandes et quelques entreprises sont autorisées par les préfectures à stériliser les œufs de Goélands argentés. Afin qu’il soit mis fin à ces pratiques qui ne servent qu’à limiter vainement des nuisances temporaires et anecdotiques, FNE Normandie, Manche Nature et la LPO Normandie ont déposé plusieurs recours contre les arrêtés délivrés dans le Calvados, la Manche et la Seine-Maritime. Ce 14 mai 2025, le Tribunal administratif de Caen a rendu les premières décisions et ordonné la suspension de l’exécution des arrêtés délivrés aux communes de Cherbourg et de Port-en-Bessin-Huppain.

Le Goéland argenté, une espèce avant tout menacée

Oiseau emblématique du bord de mer, le goéland souffre d’une mauvaise réputation. La disparition progressive de son habitat naturel ainsi que la raréfaction de ses ressources alimentaires l’ont conduit à se replier progressivement vers les milieux urbains. En résulte une cohabitation mal acceptée, les habitants se plaignant de bruits, fientes et comportements agressifs lors des périodes de nidification (mi-avril à juin) – ceci couplé à une impression de surpopulation de l’espèce.

Pourtant, la population de goélands fait face à une régression alarmante, particulièrement en Normandie. En effet, l’espèce est en déclin continu avec une diminution de 26 % de la population normande en 25 ans. Ce déclin est l’une des raisons pour lesquelles, toutes les espèces de goélands ont le statut d’espèce protégées en France et sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux nicheurs établie par l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN). La destruction de spécimen ou de leurs œufs est donc par principe interdite, sauf dérogation, qui doit répondre à des conditions strictes et cumulatives à savoir :

  • L’absence de solution alternative ;
  • Ne pas nuire au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable et
  • Répondre à des considérations de sécurité et de salubrité publiques.

Malgré cela les préfectures normandes – à la demande des communes – adoptent depuis plusieurs années des arrêtés autorisant des opérations d’effarouchement ou de stérilisation d’œufs de Goélands argenté.

Les associations ont décidé de dénoncer ces pratiques qui participent au déclin de l’espèce et qui sont autorisées sans respecter les conditions légales exigées.

Une décision cohérente avec la jurisprudence existante

Les pratiques de stérilisation avaient déjà été dénoncées dans la Manche, conduisant à l’annulation des dérogations délivrées à la commune de Granville entre 2016 et 2019, considérant notamment qu’aucun motif de sécurité et de santé publiques ne pouvaient justifier les dérogations.  

Face au renouvellement des demandes dans 19 communes et entreprises normandes, FNE Normandie, la LPO Normandie et Manche Nature – qui s’étaient exprimées en défaveur de nouveaux arrêtés – ont déposé plusieurs recours en annulation devant les Tribunaux administratifs de Caen et de Rouen. Le début des opérations de stérilisation devant intervenir au plus tard le 20 mai, les associations ont également demandé en urgence la suspension de l’exécution des autorisations délivrées à Cherbourg et à Port-en-Bessin-Huppain. 

Le 14 mai 2025, en cohérence avec sa jurisprudence, le Tribunal administratif de Caen a donc suspendu l’exécution des arrêtés délivrés à Cherbourg et Port-en-Bessin-Huppain estimant « qu’aucune des conditions [nécessaires à l’octroi d’une dérogation) n’est remplie].

Des solutions alternatives fondées sur une meilleure connaissance des Goélands

Dans le cadre de ces recours les associations rappellent que les nuisances dont se plaignent les habitants sont des perceptions avant tout subjectives malheureusement fondées sur une vision anthropocentrée de la nature : une nature qui doit être propre, calme et « à sa place ». Elles résultent aussi d’une méconnaissance des menaces qui pèsent sur l’espèce et des gestes à adopter pour éviter les désagréments causés par les goélands à certaines périodes de l’année.

Surtout, au lieu de stériliser les œufs, la priorité serait plutôt d’agir sur les causes des déplacements en milieu urbain. L’argent public investi dans la stérilisation (entre 15000€ et 30000€/an) pourrait tout autant être fléché vers des actions de préservation des zones naturelles favorables à la nidification des Goélands, des actions sensibilisation du public, et d’un recensement global des populations indépendamment de campagnes de stérilisation. 

Enfin des solutions ont été expérimentées ailleurs afin de limiter le sentiment de nuisance.  Ainsi, prenant acte des jugements la concernant, la commune de Granville a cessé en 2023 d’avoir recours à la stérilisation et a décidé de mettre en place une approche alternative, axée sur la cohabitation raisonnée avec les goélands (actions de sensibilisation, aménagements adaptés, réadaptation de la gestion des déchets). Cette démarche effective s’est étendue à d’autres villes côtières, notamment à Douarnenez en 2024 et plus récemment à Concarneau, qui a annoncé en mars 2025 la fin de ses campagnes de stérilisation.

 

Dans l’attente de l’examen des recours en annulation déposés devant les Tribunaux administratifs de Caen et de Rouen, les associations espèrent que les communes entameront une réflexion de fond afin de mettre en place des solutions qui ne remettent pas en question la pérennité des populations de goélands.

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