Incendie Esso-ExxonMobil : la suite logique d’un laxisme à répétition

Après Lubrizol et Bolloré Logistics, l’incendie de la Raffinerie Esso-Exxon Mobil s’ajoute à la triste liste des accidents industriels survenus en Seine Maritime ces dernières années.  Cet événement était malheureusement prévisible compte tenu du passif de l’exploitation, habituée des écarts réglementaires majeurs.

France Nature Environnement (FNE) Normandie déplore l’incapacité des industriels à prévenir ce type d’accident malgré les alertes répétées de l’administration et de la société civile. 

 

Esso-ExxonMobil : Historique d’un site à hauts risques

Classée « SEVESO seuil haut », la raffinerie de Port-Jérôme-sur-Seine fait partie des établissements industriels au sein lesquels il est nécessaire de maintenir un haut niveau de prévention. Le site est donc soumis à une réglementation très stricte et l’exploitant doit être particulièrement vigilant compte tenu des risques que son activité fait peser sur l’environnement et la santé humaine.

 

Or depuis une dizaine d’années, ESSO-ExxonMobil, fait l’objet de plusieurs procédures administratives et judiciaires relatives aux écarts réglementaires constatés par l’administration[1]. Les maigres condamnations prononcées en 2010[2] et en 2013[3] par la Cour d’appel de Rouen et le Tribunal judiciaire du Havre contre ESSO, n’ont évidemment pas servi de leçon à l’entreprise.

Entre 2020 et 2023, l’inspection des installations classées a ainsi constaté plus de cinquante non-conformités (corrosion sur les réservoirs de liquides inflammables, défauts des systèmes de détection de gaz, défauts sur les équipements sous pression, des systèmes d’alarmes ou encore des explosimètres[4]) – ayant notamment justifié le placement d’ESSO sous vigilance renforcée par le ministère de la Transition écologique, dispositif censé surveiller et améliorer la sécurité des sites industriels à risque.

 

Mis en demeure de régulariser sa situation à au moins 12 reprises entre 2020 et 2023, l’industriel a également écopé de sanctions administratives. Ainsi, en décembre 2022, l’administration infligeait à ESSO deux amendes d’un montant total de 15.200 euros[5] pour ne pas avoir mis en conformité ses équipements sous pression, et le 22 février dernier, une amende administrative de 12.000 euros et une astreinte journalière de 1.200 euros pour ne pas avoir respecté les valeurs limites d’émission dans l’air et dans l’eau de la Seine[6].

 

[1] Notamment, sur les systèmes de protection contre la corrosion des bacs ; l’absence de suivi des équipements importants pour la sécurité ; non conformités sur les réservoirs de stockage des hydrocarbures liquides ; l’absence de surveillance humaine lors des opérations de purge manuelles d’eau des réservoirs – ayant donné lieu à un écoulement de 145m3 de kérosène dans la cuvette de rétention du bac et réseau d’égout interne du site

[2] Décision du 13 juillet 2010 – n°09/00681 – La Cour d’appel de Rouen a condamné ESSO à 4800 euros d’amende et 2000 euros de dommages et intérêts pour France Nature Environnement et Ecologie pour le Havre, parties civiles.

[3] Décision du 19 mars 2013 – n°702013 – Le Tribunal a condamné Esso à une amende délictuelle de 1500 euros et 1500 euros de dommages et intérêts aux associations parties civiles.

[4] Détecteurs de gaz inflammables dans l’air ambiant.

[5] Arrêtés préfectoraux du 21 décembre 2022 prescrivant une amende administrative à la société ESSO Raffinage à Port Jérôme sur Seine prévus par l’article L. 557-58 du code de l’environnement

[6] Arrêté préfectoral du 22 février 2024 infligeant une amende et une astreinte administratives à la société ESSO RAFFINAGE pour son site sis à Port-Jérôme-sur-Seine

 

Responsabilité des industries : encore combien d’accidents ?

FNE Normandie rappelle que les entreprises industrielles ont une responsabilité particulière vis-à-vis des accidents qu’elles sont susceptibles de causer et doivent ainsi faire preuve d’une extrême vigilance concernant le respect des prescriptions auxquelles elles sont soumises.

Si en l’occurrence le drame a pu être évité (quoique 5 blessés soient tout de même à déplorer), combien de temps faudra-t-il attendre avant que ces établissements prennent leurs responsabilités et appliquent la règlementation encadrant leur activité ?

 

Nous serons attentifs aux résultats des analyses de l’air en cours et comptons sur les autorités pour qu’il soit fait rapidement lumière sur les causes de l’incendie et que soient établies les responsabilités respectives.

 

Lundi 11 mars 2024, un important incendie s’est déclenché sur le site d’ExxonMobil, à Port-Jérôme-sur-Seine, près du Havre (Seine-Maritime). (©DR)