Crise agricole – les 10 mesures de simplification du gouvernement : simplification ou régression ?

Lors de son déplacement dans une exploitation bovine de Haute-Garonne vendredi 26 janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé « 10 mesures de simplification immédiate en faveur du monde agricole », en plus de quelques mesures et aides financières d’urgence.

 

France Nature Environnement (FNE) Normandie déplore le fait que ces 10 mesures dites de simplification portent toutes sur l’environnement, laissant croire que les normes et mesures environnementales seraient la cause de la colère et de la détresse des agriculteurs et agricultrices.

Certaines de ces mesures font naître des interrogations, comme la mise sous tutelle préfectorale des inspecteurs de l’environnement de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Le gouvernement veut-il ainsi empêcher la police de la nature et de l’environnement de rechercher et constater dans le milieu agricole, à l’instar des autres milieux, les infractions environnementales, les atteintes à la nature, les pollutions, les destructions d’espèces vulnérables ou en voie de disparition ?

 

D’autres mesures sont très choquantes aux yeux de FNE Normandie, comme celles portant sur les règles de recours devant les juridictions administratives. Elles concernent notamment la réduction des délais de recours contre les autorisations administratives de certaines activités agricoles (utilisation de l’eau, bâtiments d’élevage), la suppression de la possibilité de faire appel, la présomption d’urgence systématique installant une pression sur les juges des tribunaux administratifs qui n’auront plus que 10 mois pour étudier les dossiers et trancher les litiges… Ces mesures, en plus de constituer une régression du droit environnemental, ne nous semblent pas répondre aux préoccupations prégnantes exprimées par le monde agricole.

Manifestation d'agriculteurs à Paris, France (2010)
Manifestation d'agriculteurs à Paris, France (2010) © Croquant / Wikimedia Commons

La santé humaine et environnementale ne doit pas être reléguée au second plan.

Par ailleurs, les attaques contre les mesures de protection des haies, la mise en cause des agents de l’OFB (il faudrait les désarmer quand ils contrôlent les exploitations agricoles !), ajoutées à des discours politiques très préoccupants sur la réintroduction et le maintien des pesticides dangereux tels le glyphosate, nous inquiètent. La santé humaine et environnementale ne doit pas être reléguée au second plan face aux revendications légitimes concernant les revenus agricoles.

« FNE Normandie demande au gouvernement la mise en place d’une réelle politique de transition agroécologique, d’un accompagnement des agriculteurs dans cette transition tout en leur garantissant une situation économique stable leur permettant de vivre de leur travail. »

A l’inverse, le gouvernement semble vouloir suivre aveuglément celles des préconisations de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) qui concernent l’environnement. Depuis des décennies, la politique agricole française est en cogestion entre l’Etat et la FNSEA, ce qui est parfaitement anormal et anti-démocratique. Cette situation a largement contribué au maintien du paradigme de l’agriculture intensive, qui débouche à cette situation de crise. Instaurer des mesures globalement dangereuses pour l’environnement et donc la santé humaine (en premier lieu celles des exploitantes et exploitants agricoles) ne permettra pas d’améliorer la situation économique très difficile de certains de ces derniers.

 

On n’éteint pas un incendie en en allumant un autre. Le gouvernement ne résoudra pas la crise agricole en détricotant le droit de l’environnement. Il ne sauvera pas l’agriculture en augmentant l’utilisation des pesticides, en confisquant l’eau pour la seule activité agricole dans des méga-bassines, ou encore en empêchant la police de l’environnement et la justice administrative d’effectuer leur travail. A ce titre, FNE Normandie s’étonne du silence de Christophe Béchu, Ministre de la Transition Ecologique, depuis le début du mouvement de contestation qui s’étend dans le monde agricole, alors que les agents administratifs de la protection de l’environnement voient leur rôle menacé ou que des propositions sont faites d’augmenter le recours aux produits phytosanitaires.

 

La crise environnementale est gravissime. Elle nous menace tous, y compris les agriculteurs. Nous, en tant qu’écologistes, souhaitons accompagner le monde agricole dans sa mutation agroécologique pour assurer la souveraineté alimentaire, permettre la transition vers une agriculture durable et résiliente face aux enjeux écologiques qu’elle affronte (récurrence des sécheresses, épuisement des sols, effondrement de la biodiversité…) tout en assurant un revenu juste et décent aux paysans et en protégeant l’environnement.