Vendredi 30 septembre 2022
FNE Normandie et ses associations ont pris connaissance d’un projet d’installation d’un terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le port du Havre. Celui-ci vise à réduire la dépendance au gaz russe acheminé par gazoduc. Il comporte une capacité importante de 3.9 millions de tonnes et sera positionné à bout de quai. Il s’agit d’une installation temporaire de réception de GNL et de regazéification qui peut être installée et démontée rapidement (quelques mois de travaux). Si nos associations n’ont pas à juger des réalités géopolitiques auxquelles sont soumis nos gouvernants, elles souhaitent attirer l’attention sur un certain nombre de considérations. Par ce communiqué, les signataires tiennent à faire connaître les raisons de leur opposition à l’installation d’un terminal méthanier flottant au Havre.
Cette technologie présente différents aspects qui posent des questions sur le modèle environnemental que nous souhaitons contribuer à construire. Une des premières inquiétudes de nos associations est le recours à des produits importés comme le gaz de schiste, dont la France a interdit l’exploitation sur son propre sol. Rappelons la nature des produits importés : des gaz de schiste obtenus au prix de destructions des sous-sols, de pollutions incontrôlées, principalement des Etats-Unis, que la France a refusé d’exploiter sur son propre sol. Son exploitation américaine cause des dégâts environnementaux majeurs et a contribué à la destruction massive d’écosystèmes américains[1]. Les pertes de rendements agricoles et la pollution des eaux engendrée par la fracturation hydraulique (technique d’extraction du gaz) rendent catastrophique le bilan environnemental de cette énergie. Enfin, les émissions de méthane dues à l’exploitation du gaz ont grandement augmenté dans ces régions, ce qui est problématique lorsqu’on sait que son potentiel d’effet de serre est 25 fois plus puissant celui du que le CO2[2]. Ce dernier n’est toutefois pas en reste.
Nous ne souhaitons pas que la France s’associe à un tel modèle, qui se situe à l’opposé de la transition énergétique que nous prônons.
Justifiant sa décision par un contexte géopolitique incertain, le gouvernement a une fois de plus sacrifié le droit de l’environnement sur l’autel de l’urgence en proposant dans l’article 12 du projet de loi « Pouvoir d’achat » de ne pas soumettre aux études d’impact environnemental les futurs projets de terminaux méthaniers. Cela signifie que le chantier dérogera à la séquence « Eviter, Réduire, Compenser », pierre angulaire du respect de l’environnement en France. Sous prétexte de gagner du temps, le gouvernement évite sciemment d’évaluer les conséquences écologiques que causerait la mise en place d’un tel chantier. A l’heure de l’urgence climatique et face à des enjeux chaque jour plus colossaux, nous considérons que la préparation à « une économie de guerre » ne doit pas s’effectuer au mépris des règles environnementales. Derrière notre dépendance au gaz russe, le problème n’est-il pas notre dépendance aux énergies fossiles?
La mise en place d’une évaluation environnementale dans les six mois après la fin des travaux, c’est-à-dire a posteriori, pose la question de l’application de la séquence sur laquelle nos associations se sont déjà largement exprimées. Envisager la compensation environnementale d’une infrastructure avant d’avoir réfléchi à l’évitement et la réduction de son impact n’est pas un bon signal. Cette absence de réglementation amène également à un autre point sensible : la déréglementation à laquelle est soumise à ce projet.
Ce projet n’est pas sans risque, et il existe plusieurs précédents en France d’incidents autour des terminaux (Saint-Nazaire en 2021, Dunkerque en 2011). Les normes environnementales sont nécessaires pour maintenir la sécurité autour de ce type de bâtiments. Un terminal méthanier n’est pas une infrastructure simple à évacuer, et via l’écluse François 1er, le temps d’évacuation pose un certain nombre de questionnements quant à la sécurité. La proximité avec des sites SEVESO (CIM, Akion, SHSMPP) en ajoute, et non des moindres, au niveau du risque industriel.
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Enfin, nous regrettons que ce nouveau projet ne tienne pas compte de la nécessité de sobriété énergétique, du développement des énergies renouvelables et de la rénovation thermique. Nous pointons du doigt la déconnexion entre l’urgence avancée comme argument de cette décision et la faible proportion de l’apport attendu à la consommation nationale (10 %). Et nous alertons sur la contradiction entre l’injonction de sobriété énergétique prônée par le gouvernement en diminuant le recours aux énergies fossiles et l’apport supplémentaire de gaz à effet de serre. A ce bilan environnemental désastreux s’ajoute le coût de l’opération : 30 millions d’euros pour les travaux et de 20 à 50 millions de dollars (ou euros) par an pendant 5 ans (durée du contrat). Investir de telles sommes à l’heure de la transition énergétique ne nous semble pas sérieux au vu des enjeux qui nous attendent pour préparer le monde d’après.
[1]https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaa4785
[2]https://reporterre.net/Le-methane-croit-de-maniere-alarmante-dans-l-atmosphere
Signataires et contacts presse :
France Nature Environnement Normandie : Xavier Lemarcis, 06.75.30.21.23
Ecologie Pour le Havre : Annie Leroy, 06.85.04.12.83
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